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abrite du moins le plus délicat de son être, l’arbre par lequel il respire et celui qui puise la vie par ses petites racines, le nourrit et le répare. La tête est bien moins importante ; plusieurs la perdent impunément ; mais, si les viscères n’étaient toujours sous le bouclier, s’ils étaient blessés, il mourrait.

Ainsi prudent, cuirassé, il cherche sa petite vie. Sa journée faite, la nuit sera-t-il en sécurité dans un logis tout ouvert ? Les indiscrets n’iront-ils pas y mettre un regard curieux ? qui sait, peut-être la dent !… L’ermite y songe, il y emploie tout ce qu’il a d’industrie ; mais nul instrument que le pied, qui lui sert à toutes choses. De ce pied, qui veut clore l’entrée, se développe à la longue un appendice résistant qui tient lieu de porte. Il le met à l’ouverture, et le voilà fermé chez lui.

La difficulté toutefois permanente, la contradiction qui reste encore dans sa nature, c’est qu’il faut qu’il soit garanti, mais en même temps en rapport avec le monde extérieur. Il ne peut, comme l’oursin, s’isoler. Ses éducateurs, l’air, la lumière, peuvent seuls affermir ce corps si mou, l’aider à se faire des organes. Il faut qu’il acquière des sens, l’ouïe, l’odorat, guides de l’aveugle. Il faut qu’il acquière la vue. Il faut surtout qu’il respire.

Grande fonction si impérieuse ! nul n’y songe