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pleine coupe d’albâtre qui laisse, en filets cristallins, déborder de splendides larmes. Telles, en Suisse, j’ai vu s’épancher des cascades lasses et paresseuses, qui, ayant fait trop de détours, semblaient tomber de sommeil, de langueur.



Dans la grande féerie d’illumination que la mer déploie aux nuits orageuses, la méduse a un rôle à part. Plongée, comme tant d’autres êtres, dans le phosphore électrique dont ils sont tous pénétrés, elle le rend à sa manière avec un charme personnel.

Qu’elle est sombre, la nuit en mer, quand on n’y voit pas ce phosphore ! Qu’elles sont vastes et redoutables, ses ténèbres ! Sur terre, l’ombre est moins obscure ; on se reconnaît toujours à la variété des objets qu’on touche, ou dont on pressent les formes ; ils vous donnent des points de repère. Mais la vaste nuit marine, un noir infini ! rien de rien !… Mille dangers possibles, inconnus !

On sent tout cela sur la côte même, quand on vit devant la mer. C’est une grande jouissance quand, l’air devenant électrique, on voit au loin apparaître un léger ruban de feu pâle. Qu’est-ce