Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.

taché, lequel fruit fera un autre arbre. Un poirier, c’est comme une sorte de polypier végétal, dont la poire (libre individu) peut nous donner un poirier.

De même, dit Forbes encore, que la branche d’une plante qui allait se charger de feuilles s’arrête dans son développement, se contracte, devient un organe d’amour, je veux dire une fleur, — le polypier, contractant quelques-uns de ses polypes, transformant leurs estomacs contractés, fait le placenta, les œufs d’où sort sa fleur mobile, la jeune et gracieuse méduse. (Ann. of the Nat. hist., t. XIV, 387.)



On aurait pu le deviner à cette grâce indécise, à cette faiblesse désarmée qui ne craint rien, qui s’embarque sans instruments pour naviguer, qui se confie trop à la vie. C’est la première et touchante échappée de l’âme nouvelle, sortie, sans défense encore, des sûretés de la vie commune, essayant d’être soi-même, d’agir et souffrir pour son compte, — molle ébauche de la nature libre, — embryon de la liberté.

Être soi, être à soi seul un petit monde complet, grande tentation pour tous ! universelle séduction ! belle folie qui fait l’effort et tout le progrès