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courte avait été triste et dure. À peine heureuse, elle se voyait mourir. Elle se traînait appuyée, tendrement enveloppée de celui qui vivait d’elle et comptait ne pas survivre. Si les vœux et les prières pouvaient prolonger une vie, elle eût vécu ; elle avait pour elle ceux de tous, surtout des pauvres. Mais le printemps arrivait et sa fin. Dans un jour d’avril où tout renaissait, nous vîmes passer encore les deux ombres sous ce bois pâle, comme un Élysée de Virgile.



Nous arrivâmes au golfe le cœur plein de cette pensée. Entre les rochers assez âpres, les lagunes que laissait la mer gardaient de petits animaux trop lents qui n’avaient pu la suivre. Quelques coquilles étaient là toutes retirées en elles-mêmes et souffrant de rester à sec. Au milieu d’elles, sans coquille, sans abri, tout éployée gisait l’ombrelle vivante qu’on nomme assez mal méduse. Pourquoi ce terrible nom pour un être si charmant ? Jamais je n’avais arrêté mon attention sur ces naufragées qu’on voit si souvent au bord de la mer. Celle-ci était petite, de la grandeur de ma main, mais singulièrement jolie, de nuances douces et légères. Elle était d’un blanc d’opale où se perdait, comme