Page:Michelet - La Mer, 1875.djvu/158

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui n’ont pas même de peau. Les petits poumons extérieurs que montrent les annélides, les légers filets nuageux que font flotter certains polypes, les cheveux mobiles et sensibles qui ondoient sous la méduse, sont des objets non seulement délicats mais attendrissants. Ils sont de toutes nuances, fines et vagues, et pourtant chaudes. C’est comme une haleine devenue visible. Vous y voyez une iris pour l’amusement des yeux. Pour eux, c’est chose sérieuse, c’est leur sang, leur faible vie traduite en teintes, en reflets, en lueurs changeantes qui s’animent ou pâlissent, tour à tour aspirent, expirent… Prenez garde. N’étouffez pas la petite âme flottante, muette, qui pourtant vous dit tout, et livre son mystère intime dans ces palpitantes couleurs.



Les couleurs survivent peu. La plupart fondent et disparaissent. Eux-mêmes, les madrépores, ne laissent d’eux que leur base, qu’on croirait inorganique, et qui n’est pourtant que la vie condensée, solidifiée.

Les femmes, qui ont ce sens bien plus fin que nous, ne s’y sont pas trompées ; elles ont senti confusément qu’un de ces arbres, le corail, était une