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Mais il y a à considérer bien autre chose que la forme. Les riches arborescences où s’épancha l’activité de ces laborieuses tribus, les ingénieux labyrinthes qui semblent chercher un fil, ce profond jeu symbolique de vie végétale et de toute vie, c’est l’effet d’une pensée, d’une liberté captive, ses tâtonnements timides vers la lumière promise, — éclair charmant de la jeune âme engagée dans la vie commune, mais qui doucement, sans violence, avec grâce s’en émancipait.

J’ai chez moi deux de ces petits arbres, d’espèce analogue, pourtant différente. Nul végétal n’est comparable. L’un de blancheur immaculée, comme d’un albâtre sans éclat, d’une richesse amoureuse qui de chaque branche, elle-même ramifiée, donne à flot boutons, bourgeons, petites fleurs, sans jamais pouvoir dire : Assez. — L’autre, moins blanc et plus serré, dont tout rameau comprend un monde. Adorables tous les deux par la ressemblance et la dissemblance, l’innocence, la fraternité. Oh ! qui me dirait le mystère de l’âme enfantine et charmante qui a fait cette féerie ! On la sent circuler encore, cette âme libre et captive, mais d’une captivité aimée, qui rêve la liberté et n’en voudrait pas tout à fait.