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paresse. Des anélides pourpres, violettes, serpentent et s’agitent près de la délicate étoile, l’ophiure, qui, sous le soleil, tend, détend, roule et déroule tour à tour ses bras élégants.

Dans cette fantasmagorie, avec plus de gravité, le madrépore arborescent montre ses couleurs moins vives. Sa beauté est dans la forme.

Elle est dans l’ensemble surtout, dans le noble aspect de la cité commune ; l’individu est modeste, et la république imposante. Ici, elle a l’assise forte de l’aloès et du cactus. Ailleurs, c’est la tête du cerf, sa superbe ramure. Ailleurs encore l’extension des vigoureux rameaux d’un cèdre qui a d’abord tendu des bras horizontaux et qui va monter toujours.

Ces formes, aujourd’hui dépouillées des milliers de fleurs vivantes qui les animaient, les couvraient, ont peut-être, en cet état sévère, un plus vif attrait pour l’esprit. J’aime à voir les arbres l’hiver, quand leurs fins rameaux, dégagés du luxe encombrant des feuilles, nous disent ce qu’ils sont en eux-mêmes, révèlent délicatement leur personnalité cachée. Il en est ainsi de ces madrépores. Dans leur nudité actuelle, de peintures devenus sculptures, plus abstraits pour ainsi dire, il semble qu’ils vont nous apprendre le secret de ces petits peuples dont ils sont le monument. Plusieurs ont l’air de nous par-