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lieues avant l’équateur, et sept cents lieues au-delà, continue cette magie d’illusion.

Il est des êtres incertains, les corallines, par exemple, que les trois règnes se disputent. Elles tiennent de l’animal, elles tiennent du minéral ; finalement elles viennent d’être adjugées aux végétaux. Peut-être est-ce le point réel où la vie obscurément se soulève du sommeil de pierre, sans se détacher encore de ce rude point de départ, comme pour nous avertir, nous si fiers et placés si haut, de la fraternité terniaire, du droit que l’humble minéral a de monter et s’animer, et de l’aspiration profonde qui est au sein de la Nature.



« Nos prairies, nos forêts de terre, dit Darwin, paraissent désertes et vides, si on les compare à celles de la mer. » Et, en effet, tous ceux qui courent sur les transparentes mers des Indes sont saisis de la fantasmagorie que leur offre le fond. Elle est surtout surprenante par l’échange singulier que les plantes et les animaux font de leurs insignes naturels, de leur apparence. Les plantes molles et gélatineuses, avec des organes arrondis qui ne semblent ni tiges ni feuilles, affectant le gras, la douceur des