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d’un mouvement si violent, si absorbant, d’une vraie furie de vivre !



Ce monde infini, tellement mêlé au nôtre, qui est partout autour de nous-mêmes, en nous, était à peu près inconnu jusqu’à ce temps. Swammerdam et autres, qui jadis l’avaient entrevu, furent arrêtés au premier pas. Bien tard, en 1830, le magicien Ehrenberg l’évoqua, le révéla, le classa. Il étudia la figure de ces invisibles, leur organisation, leurs mœurs, les vit absorber, digérer, naviguer, chasser, combattre. Leur génération lui resta obscure. Quels sont leurs amours ? ont-ils des amours ? Chez des êtres si élémentaires, la nature fait-elle les frais d’une génération compliquée ? Ou naîtraient-ils spontanément, comme telle moisissure végétale ? la foule dit « comme un champignon. »

Grande question où plus d’un savant sourit et secoue la tête. On est si sûr de tenir dans sa main le mystère du monde, d’avoir invariablement fixé les lois de la vie ! C’est à la nature d’obéir. Lorsqu’on dit à Réaumur, il y a cent ans, que la femelle du ver à soie pouvait produire seule et sans mâle, il nia, dit : « Rien ne vient de rien. » Le fait, toujours démenti, et toujours prouvé, vient de