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d’autres ce qui va l’être, ce qui peut le devenir. — Du reste, cette étude est à faire ; elle n’a pas été encore commencée sérieusement. » (17 mai 1860.)

En le quittant, j’allai tout droit chez un grand physiologiste dont l’opinion n’a pas moins d’autorité sur mon esprit. Je lui pose la même question. Sa réponse fut très longue, très belle. En voici le sens : « On ne sait pas plus la constitution de l’eau qu’on ne sait celle du sang. Ce qu’on entrevoit le mieux pour le mucus de l’eau de mer, c’est qu’il est tout à la fois une fin et un commencement. Résulte-t-il des résidus innombrables de la mort qui les cèderait à la vie ? Oui, sans doute, c’est une loi ; mais, en fait, dans ce monde marin, d’absorption rapide, la plupart des êtres sont absorbés vivants ; ne traînent pas à l’état de mort comme il en advient sur la terre, où les destructions sont plus lentes. La mer est l’élément très pur ; la guerre et la mort y pourvoient et n’y laissent rien de rebutant.

« Mais la vie, sans arriver à sa dissolution suprême, mue sans cesse, exsude de soi tout ce qui est de trop pour elle. Chez nous autres, animaux terrestres, l’épiderme perd incessamment. Ces mues qu’on peut appeler la mort quotidienne et partielle, remplissent le monde des mers d’une richesse gélatineuse dont la vie naissante profite à l’instant. Elle trouve en suspension la surabondance hui-