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se figure que la nature expire, la mer est énormément peuplée. On navigue jusqu’à deux cents milles en longueur ou quinze en largeur sur des eaux d’un brun foncé, qui sont ainsi colorées d’une méduse microscopique. Chaque pied cube de cette eau en contient plus de cent dix mille (Schleiden).

Ces eaux nourrissantes sont denses de toutes sortes d’atomes gras, appropriés à la molle nature du poisson, qui paresseusement ouvre la bouche et aspire, nourri comme un embryon au sein de la mère commune. Sait-il qu’il avale ? À peine. La nourriture microscopique est comme un lait qui vient à lui. La grande fatalité du monde, la faim, n’est que pour la terre ; ici, elle est prévenue, ignorée. Aucun effort de mouvement, nulle recherche de nourriture. La vie doit flotter comme un rêve. Que fera l’être de sa force ? Toute dépense en est impossible. Elle est réservée pour l’amour.



C’est l’œuvre réelle, le travail de ce grand monde des mers : aimer et multiplier. L’amour emplit sa nuit féconde. Il plonge dans la profondeur, et semble plus riche encore chez les infiniments petits. Mais qui est vraiment l’atome ? Lorsque vous croyez