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HISTOIRE DE FRANCE.

armées de Carl par l’appât des biens de l’Église qu’il leur prodigua, purent adopter peu à peu la croyance de leur nouvelle patrie, et préparèrent une génération de soldats pour Pépin le Bref et Charlemagne. Dans cette famille tout ecclésiastique des Carlovingiens, le bâtard, le proscrit Carl, ou Charles Martel, offre une physionomie à part et très-peu chrétienne[1].

D’abord les Neustriens, battus par lui à Vincy, près de Cambrai, appelèrent à leur aide les Aquitains qui, depuis la dissolution de l’empire des Francs, formaient une puissance redoutable. Eudes, leur duc, s’avança jusqu’à Soissons, s’unit aux Neustriens, qui n’en furent pas moins vaincus. Peut-être eût-il continué la guerre avec avantage, mais il avait alors un ennemi derrière lui. Les Sarrasins, maîtres de l’Espagne, s’étaient emparés du Languedoc. De la ville romaine et gothique de Narbonne, occupée par eux, leur innombrable cavalerie se lançait audacieusement vers le Nord, jusqu’en Poitou, jusqu’en Bourgogne[2], confiante dans sa légèreté, et dans la vigueur infatigable de ses chevaux africains. La célérité prodi-

  1. À en croire quelques auteurs, la France, à cette époque eût pensé devenir païenne. — Bonifac, Epist. 32, ann. 742 : « Franci enim, ut seniores dicunt, plus quam per tempus lxxx annorum synodum non fecerunt, nec archiepiscopum habuerunt, nec Ecclesiæ canonica jura alicubi fundabant vel renovabant. » — Hincmar., epist. 6, c. xix. « Tempore Caroli principis… in Germanicis et Belgicis ac Gallicanis provinciis omnis religio Christianitatis pêne fuit abolita, ita ut… multi jam in orientalibus regionibus idola adorarent, et sine baptismo manerent. »
  2. En 723, ils prirent Carcassonne, reçurent Nîmes à composition, et détruisirent Autun. En 731, ils brûlèrent l’église de Saint-Hilaire de Poitiers.