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HISTOIRE DE FRANCE.

Cette réclamation obstinée du moi, elle a pour organe Pelage, héritier du Grec Origène.

Si ces raisonneurs triomphaient, ils fonderaient la liberté avant que la société ne soit assise. Il faut de plus dociles auxiliaires à l’Église, qui va refaire un monde. Il faut que les Allemands viennent ; quels que soient les maux de l’invasion, ils seconderont bientôt l’Église. Dès la seconde génération, ils sont à elle. Il lui suffit de les toucher, les voilà vaincus. Ils vont rester mille ans enchantés. Courbe la tête, doux Sicambre… Le Celte indocile n’a pas voulu la courber. Ces barbares, qui semblaient prêts à tout écraser, ils deviennent, qu’ils le sachent ou non, les dociles instruments de l’Église. Elle emploiera leurs jeunes bras pour forger le lien d’acier qui va unir la société moderne. Le marteau germanique de Thor et de Charles Martel va servir à marteler, dompter, discipliner le génie rebelle de l’Occident.

Telle a été l’accumulation des races dans notre Gaule. Races sur races, peuples sur peuples ; Galls, Kymrys, Bolg, d’autre part Ibères, d’autres encore, Grecs, Romains ; les Germains viennent les derniers. Cela dit, a-t-on dit la France ? Presque tout est à dire encore. La France s’est faite elle-même de ces éléments dont tout autre mélange pouvait résulter. Les mêmes principes chimiques composent l’huile et le sucre. Les principes donnés, tout n’est pas donné ; reste le mystère de l’existence propre et spéciale. Combien plus doit-on en tenir compte, quand il s’agit d’un mélange vivant et actif, comme d’une nation ; d’un mélange susceptible de se travailler, de se modifier ? Ce travail,