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HISTOIRE DE FRANCE.

cinq cent mille hommes contre César, et qui paraît encore si peuplée sous l’Empire, elle a disparu tout entière, elle s’est fondue par le mélange de quelques légions romaines, ou des bandes de Clovis. Tous les Français du Nord descendent des Allemands, quoiqu’il y ait si peu d’allemand dans leur langue. La Gaule a péri, corps et biens, comme l’Atlantide. Tous les Celtes ont péri, et s’il en reste, ils n’échapperont pas aux traits de la critique moderne. Pinkerton ne les laisse pas reposer dans le tombeau ; c’est un vrai Saxon acharné sur eux, comme l’Angleterre sur l’Irlande. Ils n’ont eu, dit-il, rien en propre, aucun génie original ; tous les gentlemen descendent des Goths (ou des Saxons, ou des Scythes ; c’est pour lui la même chose). Il voudrait, dans son amusante fureur, qu’on instituât des chaires de langue celtique « pour qu’on apprît à se moquer des Celtes. »

Nous ne sommes plus au temps où l’on pouvait choisir entre les deux systèmes, et se déclarer partisan exclusif du génie indigène, ou des influences extérieures. Des deux côtés, l’histoire et le bon sens résistent. Il est évident que les Français ne sont plus les Gaulois ; on chercherait en vain, parmi nous, ces grands corps blancs et mous, ces géants enfants qui s’amusèrent à brûler Rome. D’autre part, le génie français est profondément distinct du génie romain ou germanique ; ils sont impuissants pour l’expliquer.

Nous ne prétendons pas rejeter des faits incontestables ; nul doute que notre patrie ne doive beaucoup à l’influence étrangère. Toutes les races du monde ont contribué pour doter cette Pandore.