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COMME JADIS…

pavillon des Archives. J’avais dix ans, je portais les cheveux longs. Mes boucles blondes tombaient épaisses sur le col de dentelle dont s’ornait ma veste de velours noir. Sur mon épaule était perchée une tourterelle familière. La photo fut envoyée à Paris. Par retour du courrier, mon père remercia sa tante de l’aimable attention, la félicitant de ma bonne mine. Incidemment, quelques mots courtois la priaient de faire couper mes boucles ! Avec les mêmes prévenances respectueuses, mon père disait aussi sa résolution de voir se commencer sérieusement mon instruction : le mois suivant, il viendrait à Noulaine et me conduirait lui-même chez les Jésuites de la rue des Postes…

La vie de collège me plut, bien que sa discipline fût un contraste avec le genre d’éducation reçu jusqu’alors. Je terminai l’année scolaire dans d’assez bonnes conditions.

Les vacances me ramenèrent à Noulaine. Ma tante m’y attendait. Si elle trouva changé son petit page, elle ne le laissa pas paraître. Les premiers jours, nous ne nous quittâmes peu. Je retrouvais avec délices l’odeur des dentelles noires. Puis un incident survint, qui devait faire entrer un tiers dans notre intimité. Cet incident prit la forme d’une petite fille d’à peine six ans. Je la vis un matin, entrer, traverser la cour, se diriger d’un air résolu vers les communs. Ce n’était pas une enfant du village. Une femme la suivait à