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COMME JADIS…

hivernage. Hélas, mon manoir, aussi, laisse passer le vent ! Bien que ses quatre angles soient admirablement jointés en queue d’arondes, le « bourrelage » est absolument nécessaire pour nous garantir des vents aigus… Pendant des jours, Henriette et moi, nous avons tressé la belle mousse longue, sèche, arrachée au tapis de l’épinettière, puis nous avons introduit soigneusement ces tresses entre les troncs d’épinettes qui constituent les murs de la maison. Mourier a complété notre travail en étendant un mortier fait à sa façon de sable de terre glaise, de paille hachée, d’eau, etc. Un badigeon blanc, éblouissant, recouvre ces rapiéçages, de sorte qu’en été, la maison étincelle au soleil et, en hiver, elle parait être la sœur aînée des meules de foin enneigées, élevées dans la cour de la ferme. Ce travail est fait. Nous laisserons à Henriette le soin de rechercher les fentes qui se feraient dans le bouzillage et de les aveugler de l’intérieur à l’aide de chiffons. Plus tard, lorsque la lutte contre le froid aura perdu de son oppressante hâte, nous collerons contre les murs un gros papier rude, gris clair, qui achèvera de nous mettre à l’abri du vent.

Pour le moment, nous nous occupons de l’hivernage des bêtes. Quelle lutte chaque année entreprise contre le froid, contre la faim ! Précipitamment, cet été, parce que la saison est courte et qu’il ne faut pas perdre de temps en charriant le foin à la ferme, on l’a mis en meule sur la prairie même