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COMME JADIS…

triste ne vous fatiguent pas trop. Et si aucun critique, aucun chroniqueur mondain ne daigne s’occuper de moi, si votre solitude s’intéresse de temps à autre à ma solitude, je passerai l’hiver calme, reposant, dont j’ai tant besoin…

En prenant la plume, ce matin, je me suis promis à moi-même de ne pas m’étendre en des confidences qui risqueraient d’attrister votre chère âme faite de claire joie. Je tiendrai ma résolution encore qu’il m’en coûte de paraître répondre par une lettre banale à votre lettre émouvante… Je suis, je vous le répète, un vieil homme que la vie a maltraité, qui sut mal se défendre, et qui souffrit plus qu’un autre peut-être, parce qu’il était mal armé, pour la lutte, doué d’une sensibilité trop vive, d’un cœur trop confiant : tel est le peintre paysan qui plaisait à votre père.

Plus tard, bien plus tard, lorsque les liens de notre parenté et de notre amitié se seront fortifiés, lorsque, ma cousine, vous ne m’apparaîtrez plus comme un rayon de soleil que l’ombre peut mettre en déroute, lorsque je n’aurai plus peur, cousinette farouche, que vous preniez la fuite sur quelque cayuse sauvage, je me donnerai la douceur de chercher refuge et apaisement dans votre amitié mieux renseignée.

Recevez, je vous prie, mes hommages respectueux et reconnaissants.

Gérard de Noulaine.