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COMME JADIS…

terre, de continuer à cultiver les champs défrichés par mon père et même d’étendre ce défrichement.

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Du vivant de mon père, lorsque nous parlions de vous, mon cousin, — nous en parlions quelquefois, peut-être parce que le nom du Chevalier s’appliquant à une personne vivante c’était une étincelle du passé jaillissant des cendres mortes — mon père se plaisait à dire : « J’aime que ce Noulaine soit resté paysan dans son art, qu’il peigne des clochers, des pardons, des coiffes de dentelle, les travaux des champs. Nous sommes de race paysanne. Il a sûrement le culte de la fidélité. C’est une bonne chose, petite. Il faudra que nous lui écrivions à ce cousin… »

Je devais vous écrire plus tard : ce fut la lettre où je protestais contre la publication de votre Roman d’antan.

Vous expliquez-vous un peu mieux la violence de mon geste, maintenant que vous me connaissez un peu plus ? J’ignore l’art des nuances. Vous avez souffert d’une épreuve cruelle avec un raffinement que, trop primitive, je puis à peine imaginer, mais il suffit que la sincérité anime les mots pour que le cœur s’ouvre à la peine des autres, et voilà pourquoi je vous enverrai cette lettre. Ne le faisant pas, je crois que j’éprouverais un remords. Une heure passée dans la grande épinettière silencieuse, ouatée de mousse dorée, calmait mes cha-