Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/46

Cette page a été validée par deux contributeurs.
46
COMME JADIS…

gers à nos mœurs, à nos coutumes, les plus inaptes à comprendre notre idéal de patriotisme canadien. C’est vous dire que je revins à peine différente de celle qui était partie trois ans auparavant.

Je retrouvai Lavernes devenu presque un village. Imaginez : l’église, le presbytère, deux magasins généraux, le bureau de poste, une boutique de forge, une école, deux ou trois maisons peintes de couleurs tendres ! Il était fort question de l’arrivée prochaine d’un médecin. Deux larges routes se croisant en carrefour, traversaient le village et s’en allaient en ligne droite, bordées de clôtures d’épinettes. On avait « fait de la terre ». Les champs n’étaient plus d’étroites clairières que l’on ensemençait en respectant la bordure en zig-zags du bois ; ils avaient pris des formes symétriques. Des taillis de saules, des bouquets de trembles restaient bien encore comme des obstacles à vaincre, mais la preuve était faite qu’on pourrait les renverser. Presque sur chaque terre, le chantier de bois rond avait fait place à la maison de planches peintes de couleur gaie.

Chez nous, mon père continuait de construire en logs, c’est-à-dire en troncs d’épinettes équarris, mais la nouvelle maison était spacieuse, bien éclairée par de larges fenêtres. Elle s’élevait massive comme une maison de pierre sur la butte qui descendait, maintenant, nue, en douces ondulations jusqu’au lac. À l’Ouest et au Nord, c’était encore