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COMME JADIS…

Sous l’impulsion du Père Chassaing, « la place » se développait. Avec acharnement, on « faisait de la terre ». J’ai vu, depuis, se créer des centres parmi l’activité bruyante, la réclame tapageuse, le bluff américain. À la Rivière-aux-Trembles, c’était une fièvre calme, forme de l’entêtement du paysan français dont ces colons descendaient directement, qu’ils vinssent de la Nouvelle ou de l’Ancienne France.

Il y eut des cas de misère, de découragement, même une sombre histoire de folie causée par l’isolement ; on ne civilise pas un pays d’arbres, de plaines nues, de solitude affolante, sans larmes et sans mort. Mais dans les réunions autour des poêles, l’hiver, dans le coup sec des haches, l’été, il y avait toute une volonté de dompter les forces contraires et de garder française cette parcelle de l’Ouest immense…

La marée humaine montait peu à peu autour de nous. Un de ces missionnaires-colonisateurs, dont la hardiesse aura fait beaucoup pour créer des îlots français, pour parsemer notre carte de noms aux consonances familières, pittoresques, savoureuses, donna un essor nouveau à la colonie en rapatriant des États-Unis une trentaine de familles canadiennes.

Désormais, par les claires nuits de gelée, alors que les bruits s’entendent à des milles, la voix des chiens se mêlant à celle des coyottes se fit de plus