Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
COMME JADIS…

J’allai me réfugier sous le tee pee et j’attendis, le cœur battant. Enfin, la porte refermée avec un bruit sec et net sur moi, s’ouvrit et l’on m’appela.

J’étais sauvage comme un poulain. Si, par hasard, un convoi de freighteurs s’arrêtait chez nous, je m’enfuyais, je me cachais au plus profond d’un bouquet de saule. Mais je n’eus pas une hésitation pour obéir au signe que me fit le Père dès que j’entrai. J’allai à lui et je me tins droite sous le regard amusé dont il détaillait mon accoutrement… Il prit ma tête dans l’étau de sa main ferme — ma tête toute petite, toute ronde, diminuée depuis la veille des courts frisons bruns que Nanine coupait à chaque lune. Je me redressai encore et j’osai examiner son visage, le comparer à celui de mon père. La barbe rousse qui l’encadrait le faisait paraître plus vieux ; les yeux gris-bleu me parurent les mêmes, malgré leur différence de couleur.

— Quel est ton nom ?

— Minnie. Minnie Lavernes.

— Quel âge as-tu ?

— Dix ans.

— Sais-tu lire ?

— Non pas encore. Papa a dit que je commencerais à apprendre l’année prochaine.

— Ne désires-tu pas faire ta première communion ?

— Oh ! si, mon Père !