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COMME JADIS…

voyait brusquement à « tante Nane », la métisse chargée du soin de notre maison.

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Hier, j’ai laissé ma lettre inachevée, indécise sur le sort que je devais lui faire. Vais-je me répandre en confidences ? Vous traiter, enfin, en parent ? Ou briser là nos relations épistolaires en déchirant les pages noircies à votre intention ? Indécision… Bah ! la malle ne part que mardi, d’ici là je peux noircir encore des pages, et pour finir tout déchirer !

Les pluies d’automne ont commencé, ce sont des loisirs forcés à la maison. Pourquoi résister au désir de remonter rapidement le cours de ma vie ? Ce sera pour moi seule, sans doute. C’eût été, sûrement pour vous si vous fussiez demeuré, uniquement, le peintre Gérard de Noulaine.

Je me souviens d’avoir entendu mon père me dire : « Petite, un beau jour, il faudra écrire à ce monsieur de Paris. Crois-tu qu’il sera surpris d’apprendre qu’il y a des Lavernes au Canada — une Herminie de Lavernes ! » Oui, il m’aurait été facile de nous raconter à vous. Je vous aurais dit avec plaisir notre vie assez semblable à celle des premiers défricheurs en Québec… Passons. Encore une fois, j’en serai quitte pour ne pas envoyer ma lettre si elle prend un ton trop intime qui ne saurait convenir dans les circonstances.