Trois semaines, depuis que j’ai reçu la lettre écrite au repos dans une cave, et datée du 5 septembre, si peu de jours avant la bataille de la Marne ! Ne fut-elle pas écrite au voisinage de cette terrible ligne tracée par le grand chef comme limite de la retraite ? Je ne sais rien, rien…
C’est stupide de ma part, de vous envoyer ce mot qui ne pourra que vous alarmer, mais il me semble que, ce mot, une fois parti, je m’imaginerai plus facilement qu’Henriette a raison de m’assurer que le courrier ne peut se faire régulièrement comme en temps de paix, et que, d’autre part, l’autorité militaire applique une censure rigide, retarde l’envoi des correspondances et parfois les détruit entièrement.
J’ai honte de moi d’être si peu vaillante. Hier, j’ai découvert, au bas d’une lettre d’Herminie, une tache brune, ridant un peu le papier ; ce fut certainement une larme…
Au revoir, Gérard, je prie pour vous de toutes les ferveurs de mon âme,
Monsieur,
Mon fiancé et votre ami, Gérard de Noulaine, m’a assurée que je pouvais recourir à vous en cas de grand besoin.