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COMME JADIS…

cupations. Et puis, Gérard, bien qu’il ne nous soit pas permis de parler de l’avenir en ce moment, malgré moi, je songe qu’il faudra peut-être que Mourier me remplace, s’occupe de la ferme… pendant les absences que nous pourrons faire… Je ne sais pas… je ne vois pas comment nous organiserons notre vie… Je ne cherche pas non plus… Ce serait mal de penser à la joie… Je sais seulement que nous irons la main dans la main, guidés par la sincérité obstinée de l’effort, en compagnie de ceux qui veulent l’entente, l’aide mutuelle entre les deux rameaux du même arbre…

Vous me demandez de vous raconter notre vie de chaque jour. Je me reproche presque tous les détails que je vous fournis. Vous dominez ces préoccupations, vous dont la vie sans cesse en jeu surélève votre âme au-dessus des préoccupations mesquines.

J’étais revenue à la lettre commencée, reprise trois fois, pour vous dire si peu de choses, et, pour vous obéir, je m’apprêtais à vous décrire… Quoi ? Les travaux de cette semaine, la mise en meulons, l’orage qui nous a surpris, le campement d’une tribu d’indiens qui, pour vingt-quatre heures, m’a rappelé les jours enfuis du passé ?… De lassitude la plume m’est tombée des doigts.

Je ne sais plus vous narrer ces incidents, Gérard ; nos fiançailles sont trop récentes… Presque chaque soir, je prends ma plume et je n’écris pas… et, cependant, il me semble que mon cœur se con-