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COMME JADIS…

ton. La main-d’œuvre se raréfie de façon singulière. Pourtant le Canada n’est pas en guerre. Notre constitution ne nous engage nullement à prendre part aux luttes de l’empire. L’enrôlement est volontaire et tout fait prévoir qu’il le restera, bien que certains esprits pensent à la conscription. Comme si ce n’était pas une aventure périlleuse. Aujourd’hui, l’Angleterre est en guerre contre l’Allemagne ; qui sait contre quel peuple elle pourrait l’être demain ?… Mourier lui-même reconnaît que le raisonnement est juste. D’ailleurs, pour ne parler que du Canadien-français, on n’en obtiendrait rien par la force, tandis que, de lui-même, il ira où l’appellent ses sentiments, son sens de la justice et du droit.

Nous nous sommes passés d’« engagé ». La moissonneuse-lieuse attelée de quatre chevaux est conduite par Mourier. Les ailettes de moulin abattent sans arrêt l’avoine trop mûre qui commence à s’égrener sous le long couteau et, la gerbe faite, liée, est rejetée, d’un coup sec, sur les surfaces d’or du champ.

Henriette et moi mettons en quintots. Nous allons d’un pas rapide, à demi penchées pour ne pas perdre de temps à nous redresser, et, malgré notre hâte, la moissonneuse, vigoureusement conduite, prend une avance sur nous et nous découragerait, si nous n’échangions de réconfortantes paroles.