Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
COMME JADIS…

au seuil du grand inconnu vers lequel vous alliez… Que vous m’ayez trouvée digne de me révéler votre amour en de telles heures, quelle fierté merveilleuse ! … Je ne connais plus qu’une volonté : faire la douceur et l’harmonie de votre vie.

Oui, j’ose écrire ces mots, alors qu’autour de nous, l’univers entier semble craquer jusque dans ses bases, parce que je sens ma tendresse pour vous, dont j’ignore l’apparence physique, une tendresse hors des limites des affections ordinaires, noble et haute, en plein ciel.

La douleur ne songe pas à ces ingénieuses comparaisons.

Gérard, j’ai horreur de la coquetterie. Si je ne vous aimais pas, si votre aveu n’avait pas été l’éclair décisif, je vous dirais : « mon ami, mon affection pour vous est grande, elle n’est pas celle que vous désirez »… Mais, parce que je ne saurais me dissimuler à moi-même la vérité, il m’est doux que vous la connaissiez. Puissiez-vous en retirer le courage et la force qui m’en est venue !…

Je vais attendre la prochaine lettre qui me dira votre affectation, avant de retourner à Lavernes. Je crains bien que le départ d’André n’ait lieu. Quatre jeunes médecins de Montréal l’accompagneront. Si la vieille patrie savait comme nos cœurs sont avec elle !… Des organisations sont en bonne voie pour venir en aide moralement et matériellement à ceux que les mobilisés belges et