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COMME JADIS…

daté de Saint-Albert. Il me dit que ses projets ne se trouveront pas dérangés par la déclaration de guerre. Son Supérieur le laisse libre de partir pour la France comme il en avait l’autorisation, seulement au lieu d’être un repos de trois mois qu’il prendra dans son cher Midi, ce sera un poste d’aumônier qu’il assumera dans quelque ambulance. Au bout de ses vacances, nous le verrons revenir. D’ailleurs, dit-il, la guerre sera alors terminée… Puisse Dieu l’entendre !…


Au coin de la Jasper et de la Première rue, l’Edmonton Journal affiche les dépêches d’Europe. C’est sur le trottoir une foule silencieuse, impressionnante. Des Français, des Belges, ignorant l’anglais, se font traduire par un enfant, un compatriote, un Canadien français les lignes à la craie sur le tableau noir, qui trop souvent annoncent de mauvaises nouvelles. Une femme pleure, sans essuyer ses larmes, les yeux grands ouverts, on dirait qu’elle ne s’en aperçoit pas…

Les mobilisés français commencent à partir. On les accompagne au train du soir, musique en tête. La plupart laissent femme et enfants. Il y en a peu qui soient riches. Il y en a qui partent ne laissant pas cent dollars à la maison… C’est d’un héroïsme tellement grand et simple qu’on éprouve le besoin de s’agenouiller.

J’entendais, hier soir, conter l’histoire de deux