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COMME JADIS…

Gérard, est-ce possible ?… Allez-vous partir ?… Que dis-je, vous êtes parti déjà ?… Cette pensée m’a figée sur place, les yeux fixes, les joues tout à coup si froides que j’ai craint de tomber. Le docteur a dû me dire des choses réconfortantes. Je n’entendais que mon cœur qui battait dans ma gorge, dans mes oreilles. Je comprenais par toutes les fibres de mon être ce qu’était la guerre : un horrible déchirement.

Il a fallu marcher, rentrer, prendre une tasse de thé. Mme Lamarche, effrayée par ma pâleur, m’a obligée de boire. Il a fallu faire semblant de dormir pour qu’on me laissât seule avec ma douleur — une douleur, Gérard, qui ne ressemble à nulle autre éprouvée jusqu’alors, non, même pas à celle, pourtant immense, que m’a causée la séparation suprême d’avec mon père…

7 août.

Mourier vient de m’écrire. Il me supplie de rentrer car ses plans sont faits pour « rejoindre ».

Je partirai dès que j’aurai reçu une lettre de vous. Une réexpédition causerait un retard d’une semaine.

Il est tout à fait impossible que Mourier parte pour la France, il a cinquante-cinq ans, une santé peu robuste. Je compte sur Henriette pour lui faire entendre raison.

J’ai eu aussi un mot bref du Père Chassaing,