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COMME JADIS…

Nous parvenons à nous dégager et descendons la Jasper jusqu’à la hauteur du « Bulletin » pour lire les dépêches affichées. Rien de nouveau.

4 août.

Gérard, j’ai compris. La guerre c’est, pour votre pays, le départ de tous les hommes valides, depuis l’âge de vingt ans jusqu’au seuil de la presque vieillesse… Stupide ignorante que je suis, je m’imaginais que seuls les soldats sous les armes et les volontaires… Hier soir nous étions descendus en ville, André et moi, après le souper, pour recueillir l’écho des dernières dépêches. Nous marchions : j’avais pris le bras d’André afin de n’être pas séparée de lui par la foule. Nous parlions français, bien entendu. En nous dépassant, une jeune femme me considéra une seconde et se tournant vers son compagnon :

Poor little thing, dit-elle.

Sur l’instant la réflexion me fit sourire, puis je fus intriguée :

— Pourquoi cette dame me plaint-elle ?

Ce fut autour d’André de sourire :

— Elle vous prend pour une petite Française dont le mari va partir incessamment pour « la ligne de feu »…

— Mais tous les Français ?…

Et André en quelques mots m’expliqua la loi militaire française.