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COMME JADIS…

Vous vous imaginez combien vivement, en relisant la lettre que vous m’avez adressée au Commissariat, je me suis gourmandé de ne m’être pas embarqué. Si de redoutables événements se préparaient, l’atmosphère ne serait-elle pas chargée de cette électricité qui ne trompe pas ?

L’idée que vous serez partie pour Edmonton, que vous m’attendrez vainement m’est intolérable. Je remettais toujours de vous écrire espérant un éclaircissement dans le ciel diplomatique, en sorte que ma lettre manquera le courrier. Les distances sont le pire ennemi ; elles créent les malentendus, accumulent les obstacles.

Au seuil d’un avenir incertain, je vous demande comme une grâce souveraine, quel que soit le silence que les événements puissent faire tomber entre nous, de ne jamais douter de mon inaltérable pensée…


1er août 1914.

Minnie, mon amie très grande, très chère, les mots qu’hier ma plume n’a pas osés, il me paraît qu’aujourd’hui, j’ai le droit de les écrire.

La guerre est déclarée. Je pars demain, au second jour de la mobilisation. Les heures qui me restent à passer ici sont comptées et ne m’appartiennent qu’à peine. Le maire de notre petite commune, vieux et malade, m’a demandé ne le remplacer auprès de son adjoint autant qu’il sera en mon pouvoir.