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COMME JADIS…

après la rosée, on peut rouler avec le haut râteau dont les dents grinçantes, agaçantes, s’accrochent à une « tête de chat » et énervent le cheval. La prairie prend alors un aspect ébouriffé avec ces rouleaux de foin emmêlé, parfumé d’herbes sauvages.

Henriette et moi mettons en « veilloches ». À l’aide des fourches, nous disloquons les rouleaux pour former des tas. Ce serait très simple et rapidement fait, s’il ne fallait compter avec le vent qui décoiffera « la veilloche », après quoi, la pluie l’inondera, la fera pourrir. Pour établir « une veilloche » solide, il faut prévoir de quel côté viendra le vent, choisir une place qui ne sera ni « une baisseur » ni une butte, soulever de lourdes fourchées de foin qui feront matelas et appliquer les dernières en couvertures que l’on peignera judicieusement, à l’aide des dents de la fourche… Et malgré ces précautions, le lendemain, on pourra avoir le spectacle de « veilloches » décoiffées, ivres, aplaties, lamentables.

Pendant les travaux du foin, tout le jour, l’air vibre du refrain aigu des maringoins dont nous sommes envahis dans notre domaine. Ils nous attaquent par nuées, montant du sol humide, des sloughs proches, sortant de l’herbe fauchée, des saules nains, accourant de tous les points pour fondre sur tout ce qui est épiderme à découvert, enfonçant leur dard à travers l’étoffe mince de