Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
COMME JADIS…

Ce matin, je suis descendu dans la vallée. Le chemin était glissant par suite des pluies printanières, il fallait regarder où poser les pieds et j’ai fait ainsi une découverte prodigieuse de violettes sauvages aux courts pétales recroquevillés. Après avoir fermé la barrière, j’ai levé la tête pour regarder en face, suivant la longue habitude ; j’ai vu ce qui m’eût bouleversé quelques mois auparavant : les volets verts de la Grangère plaqués sur les murs crépis, roses, embroussaillés de frisons de vignes vierges. Monsieur Maurane et sa fille viendront passer leurs vacances de Pâques à Ormoy. Eh bien, Minnie, qu’est-ce que cela fait ? Dites-moi en quoi et pourquoi serais-je troublé par cette nouvelle ? Petite fille qui ne croira jamais que sa pensée, son exemple, ont allumé en ma conscience une claire étincelle qui rendrait impossible les compromissions lâches !

Minnie, au revoir — ce sont les seuls mots de cette lettre qui pourront avoir tremblé sous ma plume.

Je demeure votre profondément dévoué,

Gérard.

MINNIE À GÉRARD

Mon ami, je vais vous faire de la peine en vous disant que mon premier mouvement en prenant connaissance du grand projet n’a pas été de l’enthousiasme. Se peut-il ?… Comment vous expli-