Page:Michelet - Comme jadis, 1925.djvu/153

Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
COMME JADIS…

sait combien de chapelets, elle a égrenés pour obtenir ma conversion ! Au revoir, ami, merci, tous mes mercis les plus sincères, Monsieur.

Je serrai la petite main ferme et chaude sous le gant. Après que la grille se fut refermée sur Marthe Leray, nous continuâmes notre chemin d’un pas plus rapide sans échanger une parole. Je n’avais pas à attendre de confidence ; j’avais entendu passer rapide, à travers l’intonation d’une phrase, la douleur sourde inarticulée : Henri Maignan, le grand chrétien, l’apôtre du pays nantais, aimait Marthe Leray, la petite étudiante libre-penseuse…

À la porte de mon hôtel, Maignan impassible en prenant congé de moi, ne parut pas prendre garde à l’affectueuse sollicitude que je mis dans mon au revoir. Avant de me quitter, il eut un geste de ses larges épaules qui rejeta sa tête en arrière et qui voulait dire « Qu’importe, moi et le rêve impossible… » et tout haut il constata.

— Tu es libéré…


Mon amie, ces mots tintent à mes oreilles comme la volée joyeuse des cloches de Pâques que j’écoutais tout enfant, dans le ravissement des résurrections pressenties autour de moi.


Minnie, je défaille ce soir, de l’angoisse délicieuse faite de l’espérance du moi retrouvé. Il