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COMME JADIS…

droiture qui doivent fixer le courage, l’obliger à l’action : c’est l’appui qui m’a manqué, alors qu’une cruelle épreuve démolit tout en moi santé, croyance, espoir…

Si, moi aussi, je me laisse aller, ce soir, aux confidences, c’est que, j’y suis porté par le désir irrésistible de reconquérir au moins votre estime.

Pourquoi n’ai-je pas fait œuvre personnelle de ma plume ? Mais, Madame, je ne suis pas un littérateur, je ne suis pas un homme de lettres. Je n’étais pas à la recherche d’un sujet de roman lorsque les lettres de notre commune parente sont tombées — au sens littéral du mot — entre mes mains.

C’était, il y a un peu plus d’une année. Je revenais d’une course à travers l’Orient. Une véritable course : je n’avais rien vu, je rapportais mes cartons vides, et aussi cette amertume qui m’avait poussé vers l’aventure. J’aurais pu prendre les pires résolutions. J’avais perdu le goût du travail. Je n’avais plus d’ambition. La pensée d’ouvrir mon atelier de Paris, de retrouver la vision de tant de scènes peintes dans l’illusion confiante me jetait dans un état de dépression inexprimable. Paris, son bruit, sa vie haletante me faisait horreur. Je me tenais à l’écart de ceux qui avaient été mes camarades, mes amis ; d’ailleurs ma sombre détresse aurait suffi à faire le vide autour de moi. Dans ce dégoût de tout, Noulaine, le château aux