Les fougères givrées de mes vitres étaient translucides ; à l’angle des carreaux des gouttelettes suintaient, je compris : « le froid cassait ». Déjà, en bas, Mourier s’agitait. J’entendais la porte s’ouvrir et se refermer sans hâte : on ne craignait plus de laisser entrer les lames glaciales. Je distinguais son arrivée aux étables aux hennissements doux de la pouliche blonde. Les veaux sortirent en gambadant. Quels fous !… Mon chien, mon Darky, sombre comme son nom, joignait son ivresse à la leur. Ce fut pendant quelques minutes, dans la cour, une danse effrénée de pattes blanches, noires, rousses, cailles, que les vaches plus calmes, considéraient d’un œil humide, repues de l’eau que Mourier tirait du puits, à grands renforts de chaînes grinçantes. Sur la neige tassée, les poules vinrent en cortèges me chercher jusqu’au seuil de la grainerie…
J’aime mon petit peuple piaillant, voletant, batailleur, effronté, le battement d’ailes dont il enveloppe ma marche et l’entrave… »
« Réveil ce matin en pleine féerie. Il a poudré de la poussière de diamant partout. Les moindres herbes dont la tête se hausse au-dessus de la couche neigeuse, semblent parées pour quelque gala. Les trembles élégants, minces et souples, s’ennuagent d’une dentelle fragile et les saules eux-mêmes, les gros saules aux dos ronds, s’endiamantent et cherchent des effets de coquetterie.