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COMME JADIS…

prunter au tragique de cette nuit de fête finissant, telle une veillée mortuaire avec ces corps enveloppés de linceuls et couchés au hasard, peut-être ce désespoir puéril m’aurait-il animée d’une révolte un peu dédaigneuse… Puis, il y avait cette lettre de vous à laquelle je devais répondre… Tout était complice contre la faiblesse de nos pauvres âmes de femmes… Ne sachant plus que dire, moi qui ne savais pas, je me suis mise à pleurer avec elle. Alors apaisée, sinon consolée, elle a mis un baiser sur ma joue, et, inconsciente du trouble où elle m’avait plongée, elle m’a dit gentiment :

— Allez dormir, Minnie, je crois que je pourrai reposer. »


« Mon cousin, je n’ose plus regarder la date de la lettre à laquelle j’eusse dû répondre aussitôt, alors que j’étais sous le coup de l’émotion profonde que sa première lecture m’a causée…

Nous avons eu si froid, si froid ces jours derniers, que je suis demeurée pelotonnée dans ma berçante, la majeure partie des journées courtes et des veillées longues… Hier, enfin, le froid « a cassé ». Ce fut comme si toute la vie affluait. Si je pouvais vous dire la détente de la ferme entière ! À travers les murs en logs des étables, les bêtes ont senti les souffles tièdes des « chinoocks ». Au petit jour, ce furent des piétinements, des meuglements, des râles très doux qui me réveillèrent.