Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ignorant qu’il est en géométrie, Épicure arrive par une assez bonne méthode à bâtir sur cette physique mécanique une métaphysique toute sensuelle, telle précisément que pourrait être celle de Locke, et une morale fondée sur le plaisir, propre uniquement à des hommes qui vivraient dans la solitude, comme il le recommande en effet à ses sectateurs. Enfin, pour rendre justice entière à Épicure, Vico, en suivant ses principes, voyait avec quelque plaisir le développement des formes dans le monde du corps ; mais il ne pouvait se défendre d’un sentiment de pitié, en voyant la dure nécessité que s’était imposée ce philosophe de tomber dans les absurdités les plus grossières, pour expliquer la marche et les actes de l’entendement humain. Ce lui fut un puissant motif de se rattacher encore plus à la doctrine de Platon qui, de la forme même de notre esprit, et sans hypothèse aucune, s’élève à l’idée éternelle et l’établit comme principe des choses, s’appuyant sur la conscience que nous avons de certaines vérités immuables qui, déposées dans notre intelhgence, ne peuvent être méconnues ou niées, et conséquemment ne viennent point de nous. Du reste, nous sentons en nous la liberté d’agir, nous déterminons par la pensée tout acte du corps, et par suite nous agissons dans le temps, c’est-à-dire quand nous voulons, nous agissons avec connaissance de cause, et nous avons en nous les motifs de nos actions. Ainsi, l’esprit contient les images, la mémoire garde les souvenirs, et le cœur enfante les désirs, cette source de passions et de sensations : odeurs, saveurs, couleurs, sons, toucher, toutes choses contenues en nous ; mais pour les vérités éternelles, qui ne viennent point de nous et ne