C’est avec raison que les anciens regardaient la géométrie comme une étude propre aux enfants, une logique qui leur convient dans un âge où ils ont d’autant moins de peine à saisir les particularités et à les disposer dans un ordre successif qu’ils en ont davantage à s’élever aux généralités. Et quoiqu’Aristote lui-même eût déduit le syllogisme de la méthode géométrique, il convient et même affirme que l’on doit enseigner aux enfants les langues, l’histoire et la géométrie, comme plus propres à exercer leur mémoire, leur imagination et leur esprit. D’où l’on peut facilement comprendre quel pernicieux effet, quel désordre doivent produire aujourd’hui dans l’enseignement de la jeunesse ces deux méthodes suivies quelquefois sans discernement. D’abord les jeunes gens sont à peine sortis de la classe de grammaire, que la philosophie s’ouvre pour eux par l’étude de la Logique, dite d’Arnauld, où se traitent avec rigueur les questions les plus ardues des sciences supérieures, tellement au-dessus de ces jeunes intelligences. Leurs facultés devraient plutôt être spécialement développées par différents exercices : la mémoire, par l’étude des langues ; l’imagination, par la lecture des poètes, des historiens et des orateurs ; le jugement, par la géométrie linéaire, espèce de peinture dont les nombreux éléments fortifient la mémoire, dont les figures délicates embellissent l’imagination, et qui enfin exerce le jugement, forcé de parcourir toutes ces lignes et de choisir les seules nécessaires à l’expression d’une grandeur voulue. Ces exercices divers produiraient dans l’âge de la raison une sagesse parlante, un esprit vif et pénétrant. La logique moderne au contraire fait que les jeunes