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la monarchie domestique s’étendit par les clientèles. C’étaient encore les meilleurs qui régnaient, optimi. Les réfugiés, impies et sans dieu, obéissaient à des hommes pieux, qui adoraient la divinité, bien qu’ils la divisassent par leur ignorance et qu’ils se figurassent les dieux d’après la variété de leurs manières de voir ; étrangers à la pudeur, ils obéissaient à des hommes qui se contentaient pour toute leur vie d’une compagne que leur avait donnée la religion ; faibles et jusque-là errants au hasard, ils obéissaient à des hommes prudents qui cherchaient à connaître par les auspices la volonté des dieux, à des héros qui domptaient la terre par leurs travaux, tuaient les bêtes farouches et secouraient le faible en danger.

Les pères de famille, devenus puissants par la piété et la vertu de leurs ancêtres et par les travaux de leurs clients, oublièrent les conditions auxquelles ceux-ci s’étaient livrés à eux, et au lieu de les protéger, ils les opprimèrent. Sortis ainsi de l’ordre naturel, qui est celui de la justice, ils virent leurs clients se révolter contre eux. Mais comme la société humaine ne peut subsister un moment sans ordre, c’est-à-dire sans dieu, la Providence fit naître l’ordre civil avec la formation des cités. Les pères de famille s’unirent pour résister aux clients, et pour les apaiser leur abandonnèrent le domaine bonitaire des champs dont ils se réservaient le domaine éminent. Ainsi naquit la cité, fondée sur un corps souverain de nobles. Cette noblesse consistait à sortir d’un mariage solennel, et célébré avec les auspices. Par elle les nobles régnaient sur les plébéiens, dont les unions n’étaient pas ainsi consacrées. — Au gouvernement théocratique, où les dieux