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ment romain était déjà devenu démocratique, les formules d’actions étaient suivies si rigoureusement, qu’il fallut toute l’éloquence de Crassus (que Cicéron appelait le Démosthène romain) pour que la substitution pupillaire expresse fût regardée comme contenant la vulgaire qui n’était pas exprimée. Il fallut tout le talent de Cicéron pour empêcher Sextus Ebutius de garder la terre de Cécina, parce qu’il manquait une lettre à la formule. Mais avec le temps les choses changèrent au point que Constantin abolit entièrement les formules, et qu’il fut reconnu que tout motif particulier d’équité prévaut sur la loi. Tant les esprits sont disposés à reconnaître docilement l’équité naturelle sous les gouvernements humains ! Ainsi tandis que sous l’aristocratie l’on avait observé si rigoureusement le privilegia ne irroganto de la loi des Douze Tables, on fit sous la démocratie une foule de lois d’intérêt privé, et sous la monarchie les princes ne cessèrent d’accorder des privilèges. Or rien de plus conforme à l’équité naturelle que les privilèges qui sont mérités. On peut même dire avec vérité que toutes les exceptions faites aux lois chez les modernes sont des privilèges voulus par le mérite particulier des faits, qui les sort de la disposition commune.

Peut-être est-ce pour cette raison que les nations barbares du moyen âge repoussèrent les lois romaines. En France on était puni sévèrement, en Espagne mis à mort, lorsqu’on osait les alléguer. Ce qui est sûr, c’est qu’en Italie les nobles auraient rougi de suivre les lois romaines, et se faisaient honneur de n’être soumis qu’à celles des Lombards ; les gens du peuple, au contraire, qui ne quittent point facilement leurs usages, observaient plusieurs lois romaines qui avaient