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une guerre injuste. Un exemple tiré de l’histoire du moyen âge confirme encore mieux ce que nous avançons. L’empereur Conrad III, ayant forcé à se rendre la ville de Veinsberg qui avait soutenu son compétiteur, permit aux femmes seules d’en sortir avec tout ce qu’elles pourraient emporter ; elles chargèrent sur leur dos leurs fils, leurs maris et leurs pères. L’empereur était à la porte, les lances baissées, les épées nues, tout prêt à user de la victoire ; cependant, malgré sa colère, il laissa échapper tous les habitants qu’il allait passer au fil de l’épée. Tant il est peu raisonnable de dire que le droit naturel, tel qu’il est expliqué par Grotius, Selden et Puffendorf, a été suivi dans tous les temps, chez toutes les nations.

Tout ce que nous venons de dire, tout ce que nous allons dire encore, découle de cette définition que nous avons donnée dans les axiomes, du vrai et du certain dans les lois et conventions. Dans les temps barbares, on doit trouver une jurisprudence rigoureusement attachée aux paroles ; c’est proprement le droit des gens, fas gentium. Il n’est pas moins naturel qu’aux temps humains le droit, devenu plus large et plus bienveillant, ne considère plus que ce qu’un juge impartial reconnaît être utile dans chaque cause (axiome 112) ; c’est alors qu’on peut l’appeler proprement le droit de la nature, fas naturæ, le droit de l’humanité raisonnable.

Les jugements humains (discrétionnaires) ne sont point aveugles et inflexibles comme les jugements héroïques. La règle qu’on y suit, c’est la vérité des faits. La loi toute bienveillante y interroge la conscience, et selon sa réponse se plie à tout ce que demande l’intérêt égal des causes. Ces jugements sont dictés par une