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élever sa philosophie et ses mathématiques sur les ruines de toute autre science divine et humaine ; mais avec l’ingénuité et la franchise qui sied à l’historien, j’exposerai l’ordre et la succession de toutes les études de Vico, pour mieux indiquer comment sa destinée littéraire fut telle, et non pas autre.

Grâce à cette heureuse direction imprimée d’abord à sa jeunesse, il était comme un coursier généreux qu’on laisserait, après l’avoir dressé pour le combat, paître librement dans les prairies. S’il entend le son de la trompette guerrière, sa belliqueuse ardeur se réveille ; il appelle le cavalier prêt à s’élancer vers le champ de bataille ; ainsi, à l’occasion d’une célèbre académie degli Infuriati, rétablie après plusieurs années à San-Lorenzo, et où plusieurs savants distingués vivaient dans une communauté scientifique avec les premiers avocats, les sénateurs et les nobles de la ville, Vico, cédant à son génie, reprit une carrière interrompue et rentra dans l’arène. Tel est le précieux avantage que procurent aux états ces sociétés. Les jeunes gens, dont l’âge n’est qu’ardeur et confiance, se passionnent ainsi pour l’étude, avides des éloges et de la gloire qui, dans un âge où l’esprit plus mûr recherche le solide et l’utile, sera la digne récompense de leur mérite réel. Vico reprit ensuite, avec plus de zèle que jamais, l’étude de la philosophie sous le Père Giuseppe Ricci, autre jésuite, homme d’un esprit pénétrant, scotiste, mais au fond zénoniste. Il aimait à lui entendre dire que les substances abstraites ont plus de réalité que les modes de Balzo le nominal, laissant ainsi prévoir qu’il aurait à son tour une prédilection marquée pour la philosophie de Platon, dont