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de tels usages, et de tels usages devaient entraîner nécessairement de telles pratiques.

Dans le temps où le genre humain était encore extrêmement farouche, et où la religion était le seul moyen puissant de l’adoucir et de le civiliser, la Providence voulut que les hommes vécussent sous les gouvernements divins, et que partout régnassent des lois sacrées, c’est-à-dire secrètes, et cachées au vulgaire des peuples. Elles restaient d’autant plus facilement cachées dans l’état de famille, qu’elles se conservaient dans un langage muet, et ne s’expliquaient que par des cérémonies saintes, qui restèrent ensuite dans les acta legitima. Ces esprits grossiers encore croyaient de telles cérémonies indispensables pour s’assurer de la volonté des autres, dans les rapports d’intérêt, tandis qu’aujourd’hui que l’intelligence des hommes est plus ouverte, il suffit de simples paroles et même de signes.

Sous les gouvernements aristocratiques qui vinrent ensuite, les mœurs étant toujours religieuses, les lois restèrent entourées du mystère de la religion et furent observées avec la sévérité et les scrupules qui en sont inséparables ; le secret est l’âme des aristocraties, et la rigueur de l’équité civile est ce qui fait leur salut. Puis, lorsque se formèrent les démocraties, sorte de gouvernement dont le caractère est plus ouvert et plus généreux, et dans lequel commande la multitude qui a l’instinct de l’équité naturelle, on vit paraître en même temps les langues et les lettres vulgaires, dont la multitude est, comme nous l’avons dit, souveraine absolue. Ce langage et ces caractères servirent à promulguer, à écrire les lois dont le secret fut peu à peu dévoilé.