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tendre la raison, permit qu’à son défaut ils suivissent l’autorité des auspices, et se gouvernassent par les avis divins qu’ils croyaient en recevoir. En effet, c’est une loi éternelle que lorsque les hommes ne voient point la raison dans les choses humaines, ou que même ils les voient comme contraires à la raison, ils se reposent sur les conseils impénétrables de la Providence.

La seconde sorte de raison fut la raison d’État, appelée par les Romains civilis æquitas. C’est d’elle qu’Ulpien dit qu’elle n’est point connue naturellement à tous les hommes (comme l’équité naturelle), mais seulement à un petit nombre d hommes qui ont appris par la pratique du gouvernement ce qui est nécessaire au maintien de la société. Telle fut la sagesse des sénats héroïques, et particulièrement celle du sénat romain, soit dans les temps où l’aristocratie décidait seule des intérêts publics, soit lorsque le peuple déjà maître se laissait encore guider par le sénat, ce qui eut lieu jusqu’au tribunal des Gracques.


§ IV.


Corollaire relatif à la sagesse politique des anciens Romains.


Ici se présente une question à laquelle il semble bien difficile de répondre : lorsque Rome était encore peu avancée dans la civilisation, ses citoyens passaient pour de sages politiques ; et dans le siècle le plus éclairé de l’Empire, Ulpien se plaint qu’un petit nombre d’hommes expérimentés possèdent la science du gouvernement.