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vulgaires. Les langues vulgaires se composent de paroles qui sont comme des genres relativement aux expressions particulières dont se composaient les langues héroïques[1]. Les lettres remplacèrent aussi les hiéroglyphes d’une manière plus simple et plus générale ; à cent vingt mille caractères hiéroglyphiques, que les Chinois emploient encore aujourd’hui, on substitua les lettres si peu nombreuses de l’alphabet.

Ces langues, ces lettres peuvent être appelées vulgaires, puisque le vulgaire a sur elles une sorte de souveraineté. Le pouvoir absolu du peuple sur les langues s’étend sous un rapport à la législation : le peuple donne aux lois le sens qui lui plaît, et il faut, bon gré mal gré, que les puissants en viennent à observer les lois dans le sens qu’y attache le peuple. Les monarques ne peuvent ôter aux peuples cette souveraineté sur les langues ; mais elle est utile à leur puissance même. Les grands sont obligés d’observer les lois par lesquelles les rois fondent la monarchie, dans le sens ordinairement favorable à l’autorité royale que le peuple donne à ces lois. C’est une des raisons qui montrent que la démocratie précède nécessairement la monarchie[2].

  1. Ainsi comme nous l’avons dit plus haut, la phrase héroïque, le sang me bout dans le cœur, fut résumée dans la langue vulgaire par ce mot abstrait et général, je suis en colère. (Vico.)
  2. Voyez dans Tacite comment la monarchie s’établit à Rome à la faveur des titres républicains que prirent les empereurs, et auxquels le peuple donna peu à peu un nouveau sens. (Note du Trad.)