Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/545

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses poèmes dans leur mémoire. Cette tradition ôte tout crédit à la précédente, d’après laquelle les poèmes d’Homère auraient été corrigés, divisés et mis en ordre du temps des Pisistratides. Tout cela eût supposé l’écriture vulgaire, et si cette écriture eût existé dès cette époque, on n’aurait plus eu besoin de rapsodes pour retenir et chanter des morceaux de ces poèmes[1].

Ce qui achève de prouver qu’Homère est antérieur àl'usage de l'écriture, c’est qu’il ne fait mention nulle part des lettres de l'alphahet. La lettre écrite par Prétus pour perdre Bellérophon le fut, dit-il, par des signes, sèmata. — 7. Aristarque corrigea les poèmes d’Homère, et pourtant, sans parler de cette foule de licences dans la mesure, on trouve encore dans la variété de ses dialectes ce mélange discordant d’expressions hétérogènes qui étaient sans doute autant d’idiotismes des divers peuples de la Grèce. — 8. (Voyez plus haut ce que

  1. Rien n’indique qu’Hésiode, qui laissa ses ouvrages écrits, ait été appris par cœur, comme Homère, par les rapsodes. Les chronologistes ont donc pris un soin puéril en le plaçant trente ans avant Homère, tandis qu’il dut venir après les Pisistratides.
      On pourrait cependant attaquer cette opinion en considérant Hésiode comme un de ces poètes cycliques qui chantèrent toute l’histoire fabuleuse des Grecs, depuis l’origine de leur théogonie jusqu’au retour d’Ulysse à Ithaque, et en le plaçant dans la même classe que les rapsodes homériques. Ces poètes dont le nom vient de kuklos, cercle, ne purent être que des hommes du peuple qui, les jours de fêtes, chantaient les fables à la multitude rassemblée en cercle autour d’eux. On les désigne ordinairement eux-mêmes par l’épithète de kuklioi, et les recueils de leurs ouvrages par kuklos etikos, kuklia epè, poièma egkuklikov, ou simplement kuklos ;. Hésiode, considéré comme un poète cyclique, qui raconte toutes les fables relatives aux dieux de la Grèce, aurait précédé Homère.
      Ce que nous disions d’abord d’Hésiode, nous le dirons d’Hippocrate. Il laissa des ouvrages considérables écrits, non en vers, mais en prose, et par conséquent incapables d’être retenus par cœur ; nous le placerons au temps d’Hérodote. (Vico.)