d’avoir bien raconté une histoire, et l’on dit qu’il l’a racontée comme un chanteur ou un musicien. Ces chanteurs n’étaient sans doute autres que les rapsodes, ces
hommes du peuple qui savaient chacun par cœur
quelque morceau d’Homère, et conservaient ainsi dans
leur mémoire ses poèmes, qui n’étaient point encore
écrits. (Voy. Josèphe contre Appion.) Ils allaient isolément de ville en ville en chantant les vers d’Homère
dans les fêtes et dans les foires. — 4. D’après l’étymologie, les rapsodes (de raptein, coudre, ôdas, des chants)
ne faisaient que coudre, arranger les chants qu’ils
avaient recueillis, sans doute dans le peuple même.
Le mot Homère présente dans son étymologie un sens
analogue, omou, ensemble, eirein, lier. Omèros signifie
répondant, parce que le répondant lie ensemble le
créancier et le débiteur. Cette étymologie, appliquée à
l’Homère que l’on a conçu jusqu’ici, est aussi éloignée
et aussi forcée qu’elle est convenable et facile relativement à notre Homère, qui liait, composait, c’est-à-dire
mettait ensemble les fables. — 5. Les Pisistratides divisèrent et disposèrent les poèmes d’Homère en Iliade et en Odyssée. Ceci doit nous faire entendre que ces poèmes
n’étaient auparavant qu’un amas confus de traditions
poétiques. On peut remarquer d’ailleurs combien diffère le style des deux poèmes. — Les mêmes Pisistratides ordonnèrent qu’à l’avenir ces poèmes seraient chantés par les rapsodes dans la fête des Panathénées
(Cicéron, De natura deorum. Elien). — 6. Mais les Pisistratides furent chassés d’Athènes peu de temps avant
que les Tarquins le fussent de Rome ; de sorte qu’en
plaçant Homère au temps de Numa, comme nous
l’avons fait, les rapsodes conservèrent longtemps encore
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