Page:Michelet - Œuvres complètes Vico.djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux métaphores de stirps, de propago, de lignage. Les enfants des fondateurs de la société humaine pouvaient donc se dire duro robore nati, ou fils de la terre, géants, ingenui (quasi inde geniti), aborigènes, autochthones. — Humanitas, ab humando.

Apollon est le dieu de la lumière, de la lumière sociale, qui environne les héros nés des mariages solennels, des unions consacrées par les auspices. Aussi préside-t-il à la divination, à la muse, qu’Homère définit la science du bien et du mal. Apollon poursuit Daphné, symbole de l’humanité encore errante, mais c’est pour l’amener à la vie sédentaire et à la civilisation ; elle implore l’aide des dieux (qui président aux auspices et à l’hyménée). Elle devient laurier, plante qui conserve sa verdure en se renouvelant par ses légitimes rejetons, et jouit ainsi que son divin amant d’une éternelle jeunesse.

Dans l’état de famille, les fruits spontanés de la terre ne suffisant plus, les hommes mettent le feu aux forêts et commencent à cultiver la terre. Ils sèment le froment dont les grains brûlés leur ont semblé une nourriture agréable. Voilà le grand travail d’Hercule, c’est-à-dire, de l’héroïsme antique. Les serpents qu’étouffe Hercule au berceau, l’hydre, le lion de Némée, le tigre de Bacchus, la chimère de Bellérophon, le dragon de Cadmus et celui des Hespérides sont autant de métaphores que l’indigence du langage força les premiers hommes d’employer pour désigner la terre. Le serpent qui dans l’Iliade dévore les huit petits oiseaux avec leur mère, est interprété par Calchas comme signifiant la terre troyenne. En effet, les hommes durent se représenter la terre comme un grand dragon couvert d’écaillés, c’est-à-dire d’épines ; comme une hydre sortie des eaux (du déluge), et dont les têtes, dont les forêts renaissent à mesure qu’elles sont coupées ; la peau changeante de cette hydre passe du noir au vert, et prend ensuite la couleur de l’or. Les dents du serpent que Cadmus enfonce dans la terre expriment poétiquement les instruments de bois durci dont on se servit pour le labourage avant l’usage du fer (comme dente tenaci pour une ancre, dans Virgile). Enfin, Cadmus devient lui-même serpent ; les Latins auraient dit, en terme de droit, fundus factus est.

Les pommes d’or de la fable ne sont autres que les épis ; le blé fut le premier or du monde. Entre les avantages de la haute fortune dont il est déchu. Job rappelle qu’il mangeait du pain de froment. On donnait du grain pour récompense aux soldats victorieux, adorea. [Le nom d’or passa ensuite aux belles laines. Sans parler de la toison d’or des Argonautes, Atrée se plaint dans Homère de ce que Thyeste lui a volé ses brebis d’or. Le même poète donne