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sur celle que nous avons faite dans la Méthode (il nous est aujourd’hui difficile de comprendre, impossible d’imaginer la manière de penser des premiers hommes qui fondèrent l’humanité païenne[1]). Leur esprit précisait, particularisait toujours, de sorte qu’à chaque changement dans la physionomie ils croyaient voir un nouveau visage, à chaque nouvelle passion un autre cœur, une autre âme ; de là ces expressions poétiques, commandées par une nécessité naturelle plus que par celle de la mesure, ora, vultus, animi, pectora, corda, employées pour leurs singuliers.

  1. Les premiers hommes étant presque aussi incapables de généraliser que les animaux, pour qui toute sensation nouvelle efface entièrement la sensation analogue qu’ils ont pu éprouver, ils ne pouvaient combiner des idées et discourir. Toutes les pensées (sentenze) devaient en conséquence être particularisées par celui qui les pensait, ou plutôt qui les sentait. Examinons le trait sublime que Longin admire dans l’ode de Sapho, traduite par Catulle : le poète exprime par une comparaison les transports qu’inspire la présence de l’objet aimé :

    Ille mi paresse deo videtur,
    Celui-là est pour moi égal en bonheur aux dieux mêmes…


    La pensée n’atteint pas ici le plus haut degré du sublime, parce que l’amant ne la particularise point en la restreignant à lui-même ; c’est au contraire ce que fait Térence, lorsqu’il dit :

    Vitam deorum adepti sumus,
    Nous avons atteint la félicité des dieux.


    Ce sentiment est propre à celui qui parle, le pluriel est pour le singulier ; cependant ce pluriel semble en faire un sentiment commun à plusieurs. Mais le même poète, dans une autre comédie, porte le sentiment au plus haut degré de sublimité en le singularisant et l’appropriant à celui qu’il éprouve :

    Deus factus sum,
    Je ne suis plus un homme, mais un dieu.

    Les pensées abstraites regardant les généralités sont du domaine des philosophes, et les réflexions sur les passions sont d’une fausse et froide poésie.