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éclairés et adoucis par la civilisation : l’idée d’une justice raisonnée et conduite par les maximes d’une morale socratique, l’idée de cette gloire qui récompense les bienfaiteurs du genre humain ; enfin l’idée d’un noble désir de l’immortalité. Partant de ces trois erreurs, ils ont cru que les rois et autres grands personnages des temps anciens s’étaient consacrés, eux, leurs familles et tout ce qui leur appartenait, à adoucir le sort des malheureux qui forment la majorité dans toutes les sociétés du monde.

Cependant cet Achille, le plus grand des héros grecs, Homère nous le représente sous trois aspects entièrement contraires aux idées que les philosophes ont conçues de l’héroïsme antique. Achille est-il juste quand Hector lui demande la sépulture en cas qu’il périsse, et que, sans réfléchir au sort commun de l’humanité, il répond durement : Quel accord entre l’homme et le lion, entre le loup et l’agneau ? Quand je t’aurai tué, je te dépouillerai ; pendant trois jours, je te traînerai lié à mon char autour des murs de Troie, et tu serviras ensuite de pâture à mes chiens. Aime-t-il la gloire, lorsque, pour une injure particulière, il accuse les dieux et les hommes, se plaint à Jupiter de son rang élevé, rappelle ses soldats de l’armée alliée, et que, ne rougissant point de se réjouir avec Patrocle de l’affreux carnage que fait Hector de ses compatriotes, il forme le souhait impie que tous les Troyens et tous les Grecs périssent dans cette guerre, et que Patrocle et lui survivent seuls à leur ruine ? Annonce-t-il le noble amour de l’immortalité, lorsqu’aux enfers, interrogé par Ulysse s’il est satisfait de ce séjour, il répond qu’il aimerait mieux vivre encore et être le dernier des